Histoire

Nichée au cœur du massif du Vercors, terre de maquisards durant la Seconde Guerre Mondiale, la société familiale de fabrication de ravioles cultive sa spécificité face au diktat des grands groupes agroalimentaires.

Resté confidentielle pendant plusieurs années, l'entreprise fais désormais recette avec une raviole authentique et 100% artisanale qui n'a rien à envier à ses voisines industrielles. Rencontre avec une famille d'entrepreneurs discrets pour qui priment la qualité, le goût et le terroir.

Surnommée route du vertigo, la route des Grands Goulets à été ouverte aux voitures en 1854, sur plus d'un kilométre et demi taillée à pic dans la falaise. Un itinéraire hors du common qui a rapidement suscité la curiosité et l'installation, au début du siécle dernier, de trois hôtels pour accueillir des touristes venus de toute l'Europe. Parmi eux, callé contre le rocher à l'entrée du premier tunnel, l'hôtel-restaurant des Grands Goulets tenu par Hervé Couloud de 1983 à 2004.

"En 1996, les éboulements de falaise ont engendré la fermeture de la petite route historique et, avec elle, une trés forte baisse d'activité. j'ai perdu près de 80% de la clientèle touristique. Le restaurant a subsisté quelques années mais il a rapidement fallu songer à une reconversion." Le restaurateur est olors inspiré par l'une de ses employées, Marguerite Arnaud. Cette ravioleuse hors pair lui livre "sa recette de grand-mère", celle qui se transmet de génération en génération et qui fera toute la différence. En juin 2001, soutenu por ses anciens clients qui l'incitent à commercialiser ses ravioles, Hervé Couloud s'installe avec un livreur et une deuxième personne dans un petit local de la Chapelle en Vercors. Un investissement initial de 160 O00 euros rendu possible par le soutien financier de sa famille et des banques. `"Il fallait être fou pour se lancer dans ce projet de fabrication artisanale face aux géants de l'agroalimentaire. Les premieres années ont été plus que difficiles... Je ne me suis pas distribué de salaire pendant 6 ans... Mais je n'ai jamais baissé les bras, d'autant que mes proches ont toujours été présents pour me soutenir." Florence Meynier, actuelle gérante et belle soeur d'Hervé, fait partie des fidéles de la premiere heure. "Mon mari et moi travaillions encore à Paris mais je me souviens qu'on descendait tous les week-end pour lui donner un coup de main".

LA QUALITÉ ET LE GOûT COMME LEITMOTIVS

Il a fallu attendre 2008 pour que la petite entreprise décolle. 'la Fête du Bleu sur le plateau du Vercors et un repartage dans le journal télévisé de TFI ont été de véritables catalyseurs en nous apportant de nouveaux clients, essentiellement des restaurateurs et des magasins spécialisés. "Si la fabrique travaille depuis ses débuts avec quelques grossistes comme l'isérois Gineys Carigel, elle privilégie des relations directes avec les grossistes, restaurateurs et particuliers. Essentiellement distribuée dans le quart sud-est de la France, l'entreprise est peu présente dans les enseignes traditionnelles de la grande distribution, à l'exception de celles qui respectent notre produit et accordent de l'importance à l'éthique régionale" ajoute Florence Meynier. Car l'authenticité reste l'atout premier et indiscutable des Ravioles des Grands Goulets. Deux fois plus grosses que les ravioles industrielles, les pâtes du Vercors contiennent les mêmes ingrédients, mais privilégient la qualité. Chaque pièce est composé à 60% de garniture, la propartion inverse des fabricants industriels. A cela s'ajoute un cahier des charges extrémement précis et exigeant vis à vis de nos fournisseurs qui sont, pour la plupart, historiques." Si le caillé de la farce était initialement produit par la Coopérative Vercors lait, celle-ci n'a pas pu faire face à la croissance des Ravioles des Grands Goulets. Aujourd'hui, le comté, l'emmental et le caillé proviennent de diverses régions françaises limitrophes à Rhône-Alpes. Les autres matières premières (persil, oeufs et farine) sont toutes issues de sociétés implantées dans la Drôme. Une qualité qui n'échappe pas au procédé de fabrication. "Il n'existe pas de machines spécifiques pour les ravioles. Il nous a fallu faire du sur-mesure et adapter les machines à raviolis de nos voisins italiens ! Mais une fois la raviole fabriquée, de nombreuses opérations restent manuelles. Ainsi, toutes les ravioles surgelées sont triées à la main par nos employés. Au final, pas de plaque cassée ou de brisures... Nos Ravioles assurent une parfaite tenue à la cuisson, un atout majeur pour les restaurateurs !»

ÉCOUTE ET PROXIMITÉ

Pour trouver la recette du succès, outre la qualité, les Ravioles des Grands Goulets ont grandi à l'écoute de leurs clients. Au fil des ans et des demandes, la gamme des produits commercialisés a été élargie pour atteindre une dizaine de recettes atypiques, de la raviole aux cêpes en passant par les épinards, les artichauts, le fromage de chèvre, les escargots ou encore le foie gras pour les fêtes. Et chaque région y trouve son compte : les vertacomicoriens dégustent la célèbre raviole au Bleu du Vercors Sassenage, les restaurateurs savoyards ont sollicité une raviole au Beaufort, les ardéchois une recette au Saint Félicien tandis qu'une raviole au maroille a failli voir le jour pour les habitants du Nord !

Depuis 7 ans, pour répondre à la demande du marché, l'activité de la fabrique s'est également diversifiée avec d'autres produits locaux tels que la caillette, les gnocchis, les tagliatelles et les feuilletés au fromage de chèvre ou ou Bleu du Vercors. Grâce à cette stratégie, la petite fabrique a pu envisager son avenir en grand. "En 2012, pour faire face à notre développement, nous avons commencé à réfléchir à un projet de déménagement. Soit on continuait l'activité en refusant des clients, soit on s'agrandissait." Deux ans plus tard, grâce au soutien du Conseil Départemental, du Conseil Régional et de l'Europe, l'entreprise intègre un nouveau bâtiment de plus de 400 m2 dans la zone artisanale des Bruyères, à quelques centaines de mètres de son emplacement initial. Cet investissement de plus de 600 000 euros s'est accompagné du doublement des effectifs avec la création de 5 postes. Depuis la scructure s'est encore étoffée puisque elle emploie aujourd'hui 14 personnes. Si la moyenne d'âge est plutôt élevée, les Ravioles des Grands Goulets s'appuie sur une main d'oeuvre expérimentée et particulièrement motivée. "Le personnel est très investi, attaché aux valeurs de l'entreprise et soucieux de la qualité du produit. En retour nous nous efforçons d'améliorer leurs conditions de travail en investissant dans du matriel qui facilite les tâches : pompes à farce, plateformes élévatrices, ensacheuse semi-automatique, etc ..."

Quand le terroir fait recette

Autant d'ingrédients qui permettent aux Ravioles des Grands Goulets d'envisager l'avenir avec sérénité. En 2016, les 6 associés ont porté le capital de l'entreprise à 100 000 euros au lieu des 7500 euros initiaux. Ils viennent d'acquérir un terrain adjacent et projettent la construction d'un nouveau bâtiment de 500 m2 à horizon 2019. "L'objectif est celui d'une restructuration de l'activité. Nous allons monter une 3e ligne de production et augmenter la capacité de stockage". Les embauches quant à elles dépendront des commandes. Mais les dirigeants locaux sont plutôt confiants. "Depuis 4 ans, les mentalités ont commencer à changer. Nous assistons avec plaisir à un retour des consommateurs aux produits locaux, artisanaux et de qualité, qui au final, ne sont pas forcément plus chers !" D'autant que la marge de progression de l'entreprise est réelle. Les Ravioles des Grands Goulets ne représentent qu'1 % du marché de cette spécialité locale. "Nous ne sommes pas des industriels mais des artisans qui élaborent un produit typiquement local" commente Florence Meynier. Pour elle, la meilleure politique commerciale reste celle du terrain. En parallèle au magasin d'usine qui reçoit essentiellement des locaux et des touristes, l'entreprise accroît sa notoriété à travers les salons de la gastronomie et du terroir. Elle participe notamement aux rencontres gourmandes de Vaison la Romaine, aux salons des vins de Tain l'Hermitage, d'Istres ou de Vif en Isère. "Ces évènements sont l'occasion de cuisiner sur place et de proposer des ateliers aux visiteurs. Cela nous permet d'avoir leur ressenti et de fidéliser  la clientèle, tout en développant une relation de proximité." C'est d'ailleurs lors du SIRHA de Lyon, le Salon International de la Restauration, de l'Hôtellerie et de l'Alimentation, que Florence Meynier et Hervé Couloud ont rencontré l'un de leur plus gros client, un grossiste de plats cuisinés à l'origine de plus de 12% du CA de la fabrique artisanale. "De gros projets sont en cours mais nous restons très vigilants sur la structure et l'équilibre de notre chiffre d'affaire pour ne pas devenir dépendants d'un client. Les secteur est en plein développement et se délocalise sans que nous ayons besoin de démarcher. La raviole est une recette à la fois populaire et qui intéresse les grands restaurateurs. Il reste donc de la place sur le marché, et pourquoi pas à l'export !" avait conclu Hervé Couloud qui souhaitait bientôt faire "goûter la différence" à de nouveaux consommateurs européens.

 La raviole est une recette à la fois populaire et qui intéresse les grands restaurateurs.

Hervé Couloud

Fondateur en 2001 des Ravioles des Grands Goulets , Hervé Couloud nous a quitté. Homme travailleur et généreux, prêt à relever tous les défis, celui-ci a transmis l'entreprise début 2007 à sa belle-soeur Florence Meynier. Bien décidée avec toute son équipe à poursuivre son oeuvre, elle veille à maintenir la qualité de ses ravioles et répond aux éxigences de la clientèle. Son principal objectif est de pérenniser l'activité sur le plateau du Vercors avec un produit 100% artisanal tout en développant de nouvelles recettes.